Séminaire académique du 31 janvier 2013

Publié le

Introduction par Madame Prestaux (CSAIO) et Monsieur Pinchera, (MGI)

Introduction par Madame Prestaux CSAIO de l’académie de Versailles, et Monsieur Pinchera, animateur MGI du bassin d’éducation de Mantes(78), Principal du collège les Plaisances à Mantes la ville.

Avec 140 000 élèves sortant tous les ans sans diplôme du système éducatif, la lutte contre le décrochage scolaire, tant dans sa prévention que son traitement, est aujourd’hui une priorité nationale. Ce phénomène émergeant touche tous les milieux sociaux et toutes les classes d’âge, fragilisant encore davantage ceux de nos élèves déjà les plus exposés.

Pour l’académie de Versailles, on comptabilisait 19 500 décrocheurs en 2011, il n’y en a plus que 15 500 en 2012.
La fluidification des parcours, l’installation du Bac professionnel en 3 ans et l’amélioration du suivi des élèves sont à l’origine de cette baisse.
Aujourd’hui, le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) permet un meilleur suivi des décrocheurs car il permet de croiser les bases élèves de l’Education Nationale, des missions locales, du ministère de l’agriculture pour l’enseignement agricole et des centres de formations pour apprentis (CFA).

Le travail entrepris au sein des 22 plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD) de l’académie, permet de vérifier qu’il y a 4 000 décrocheurs véritables. Les autres ont soit quitté le territoire, soit trouvé du travail, ou encore sont déjà engagés dans un parcours de formation ou même ont changé de situation familiale et matrimoniale.

Le nouveau Réseau Objectif Formation Emploi (ROFE) annoncé par le Ministre le 4 décembre dernier, doit permettre le raccrochage de 20 00 jeunes (10 000 actuellement) à l’horizon 2013 par une meilleure coordination des acteurs locaux dont l’Education nationale.

Au plan systémique, l’étude des données d’un suivi de cohorte montre qu’il n’y a aucune corrélation statistique entre une orientation de vœu 1 et le taux d’érosion d’une formation. En revanche, on peut noter l’importance de l’effet "établissement", en matière d’accrochage scolaire.

Au-delà de la priorité nationale c’est également une priorité individuelle qui nécessite que chaque enseignant s’approprie cette notion pour pouvoir agir sur le terrain de la prévention en apportant des réponses adaptées.

Cette journée de formation est l’occasion de cette réflexion qui abordera la notion d’accrochage scolaire sous l’angle de la didactique et de la pédagogie.

Approche coopérative dans les apprentissages à l’école ; motivation scolaire et climat de la classe

Intervention de Madame Marie-Anne Hugon professeur en sciences de l’éducation, membre du FESPI (Fédération des établissements scolaire publics innovants).

Le décrochage scolaire est le nouveau terme pour désigner l’échec scolaire.

La notion de décrochage est à la fois un objet « politique » et un sujet de recherche. Il envahit les médias et tous les débats alors que le nombre des décrocheurs ne cesse de diminuer : 39% d’un suivi de cohorte en 1989 contre 17% en 2012.

Causes et facteurs de risques

L’ouverture massive de l’école, sa démocratisation n’ont pas modifié les pratiques didactiques et c’est avec la massification de l’enseignement qu’apparait la notion d’échec scolaire avec des élèves se sentant exclus de l’intérieur.

Toutefois, le glissement vers le haut des normes de professionnalisation, dû à la crise économique, entraîne un risque accru d’exclusion scolaire. Sur le terrain politique, l’exclusion scolaire est potentiellement synonyme de délinquance et l’absentéisme deveint un facteur d’insécurité.

Mais peut-on pour autant prédire le parcours d’un décrocheur ? Un guide, édité au Canada, essaie de catégoriser les décrocheurs et constate qu’il n’y a pas de lien entre exclusion sociale et décrochage scolaire.

Les facteurs de risques sont une conjugaison de facteurs individuels :

  • surtout des garçons,
  • des difficultés économique et culturelles,
  • des déménagements fréquents,
  • des dysfonctionnements au sein de cellule familiale, des difficultés d’apprentissage

et des facteurs environnementaux :

  • un mauvais climat de classe,
  • une absence de soutien des enseignants ...

Le processus de décrochage peut commencer très tôt, dès l’école élémentaire mais il s’observe moins du fait que l’école est encore « contenante, cadrante » (un seul enseignant) dégageant un plus grand sentiment de sécurité.

Les décrocheurs ont souvent la sensation d’être des boucs émissaires : l’école n’est pour eux que mépris et humiliation. Ils ont un sentiment d’impuissance et d’inexistence. Les difficultés sont souvent induites par l’école et les processus de rémédiation, eux-mêmes sont vécus de façon négative. Il leur est difficile de satisfaire le désir de leurs parents, de l’école. Il leur est difficile de se sentir à l’aise dans une société quand celle-ci véhicule des messages incompréhensibles.

Pour autant, il existe des réponses pédagogiques telles que les structures relais, les micros lycées, le PIL (Pôle Innovant Lycéen), le CLEPT (Collège, Lycée Elitaire Pour Tous)... qui utilisent souvent des pédagogies de type Montessori. Les collectivités investissent dans ces projets. Une société ne peut être décente que si elle ne fournit pas à ses membres la sensation d’être humiliés. Chacun doit avoir sa place et doit se sentir respecté.

Approche systémique des structures innovantes

Le PIL, considère que s’il y a décrochage c’est que le lien est brisé. Il faut alors reconstruire la confiance avec les adultes et les institutions. Il faut reconstruire un projet d’avenir.

Quand le jeune intègre une structure innovante, il y a moratoire sur son passé scolaire, les jeunes ne traînent pas leur casier scolaire mais arrivent pour rebâtir.

Les professeurs vont au delà de leur cadre disciplinaire, ils effectuent un travail de personne à personne sous forme de tutorat. Ils se rendent disponibles à tout moment en donnant leur numéro de téléphone, leur adresse mail. Le nombre d’interlocuteurs de chaque jeune est restreint.

Les modalités d’apprentissage sont différentes, des choix sont effectués dans les programmes, la priorité est donnée aux savoirs fondamentaux. On y développe ainsi des pédagogies de projet dans des registres non scolaires. Les savoirs et les compétences sont ensuite réinvestis dans le champ des autres enseignements.

Les évaluations sont différenciées. Les conseils de classes sont remplacés par des conseils de progrès où les professeurs, les jeunes et leurs parents confrontent leur analyse de la situation. Les exercices de type bac sont effectués dans des conditions de sécurité intellectuelle.

Les freins

Il n’est pas toujours évident de travailler avec ses pairs quand le seul passé commun est un passé d’échec. Certains se referment dans des réactions individualistes et il faut alors considérer le temps et l’espace comme une ressource pédagogique et non une contrainte. A cet égard, des lieux d’accueil sont installés autour de la classe et permettent d’être à côté, sans jamais être au dehors de la classe, de l’école.

Il faut aussi multiplier les instances de régulation et le travail partenarial avec les familles est incontournable car les difficultés scolaires dégrade le climat familial et détériore la confiance des parents.

L’échec scolaire met en doute, dans l’esprit des parents, leurs capacités et leurs compétences éducatives.

« Rendre possible le raccrochage scolaire ; de l’inappétence au décrochage et du désir d’école au raccrochage : quels leviers ? quels processus ? »

Intervention de Monsieur Bernard Gerde – directeur du centre de Ressources Rhônalpin pour le Raccrochage des jeunes en Rupture scolaire (C4R) ; cofondateur de l’association La Bouture et du CLEPT (Collège, Lycée, Elitaire pour Tous)

L’antériorité du Quebec sur le sujet permet de déterminer deux types d’élèves décrocheurs :

  • Les « Drop in » : ceux qui sont dans les murs qui continunent à fréquenter les lieux mais ne jouent plus le jeu scolaire.
  • Les « Drop out » : ceux qui sentent leur intégrité engagée et veulent sauvegarder une part d’eux-mêmes en sortant de l’école.

En effet, appartenir à un établissement scolaire c’est accepter d’avoir une identité scolaire.

Une vingtaine d’équipes de chercheurs, présidé par Dominique GLASSMAN ont édité un rapport sur le phénomène de déscolarisation.

Ouvert en 2000, le CLEPT, (collège lycée élitaire pour tous) est une structure de l’Education Nationale destinée aux décrocheurs scolaires. Il accueille uniquement des "Drop out" en rupture scolaire depuis au moins 6 mois.
Nous avons 110 élèves qui ont tous comme objectifs de devenir bacheliers. Nous travaillons sur un terrain de prévention et de curation avec un statut de recherche dans le but de produire des bonnes pratiques reproductibles et transférables dans les EPLE classiques.

Les professeurs sont recrutés sur des postes à profil et assument toutes les tâches indispensables au fonctionnement d’un établissement (administration, gestion, accueil...). Ils ont pour point commun de croire à l’éducabilité cognitive et à la capacité, pour chaque petit d’homme, à apprendre. Ils souhaitent renverser la table des pratiques ordinaires pour revisiter la relation adulte/enfant, élèves/professeurs.

Autrefois, le décrochage scolaire n’était ni un drame ni un problème politique ayant une incidence économique et sécuritaire.

Avec ces jeunes, il ne faut pas faire de misérabilisme, l’adaptation est pour eux synonyme de baisse de niveau : "les élèves normaux ne fréquentent pas ses classes là".

En effet, un élève qui quitte l’école est un élève qui après avoir persévéré, comprend qu’il n’est pas fait pour l’école, que l’école n’est pas faite pour lui. Un élève comprend rapidement quand un professeur estime qu’il ne "le mérite pas".

Depuis toujours, l’école de la République est faite pour la production d’une élite. Les "Drop out" sont le produit de l’érosion distillée ; pour reprendre Coluche "Le problème avec l’égalité des chances, c’est que certains sont plus égaux que d’autres."

Il faut les aider à rebatir leur estime d’eux-même car mal nommer les choses c’est apporter du désordre au monde.

25% des décrocheurs accueillis n’ont pas de problème d’estime de soi, ils sont partis malgré des résultats probants. Ils n’ont pas supporté une école qu’ils jugeaient infantilisante, ils n’ont pas trouvé d’intelocuteurs valables.

L’échec scolaire vu par Pierre Bourdieu a provoqué d’énormes dégats, l’élitisme républicain s’opposant à l’égalité des chances. Ce sont ceux qui réussissent le moins qui ont le plus besoin de l’école pour réussir.

Lors d’ateliers de photos-langage, illustrant les causes profondes du décrochage scolaire, les jeunes se sentent les témoins passifs condannés à "attrapper des lacunes" à l’école. Ces jeunes nécessitent des professeurs différents acceptant un rôle de référent adulte, acceptant de changer leurs pratiques (bilans de savoirs, au lieu d’évaluation par exemple). Pour certains de ces jeunes, il n’y a pas d’implicite, ils ne connaissent pas les attendus de l’école, il faut les leur expliquer.

Un livre pour comprendre : « École et savoir dans les banlieues… et ailleurs » ou comment expliquer la réussite scolaire de cas atypiques d’enfants de milieux populaires ou l’échec d’enfants de milieux favorisés ? Quel sens cela a-t-il pour un enfant d’aller à l’école, d’y travailler, d’y apprendre des choses ? Les différences sociales induisent-elles, et comment, des différences d’ordre linguistique et cognitif ?

L’élève accepte une autorité mais refuse l’autoritarisme, le règlement intérieur listant les interdits est synonyme de prison.

Pour établir un lien, faire accepter cette autorité l’entretien est un outil indispensable (entretenir c’est conserver en bon état). Il permet à chacun de se mettre en surplomb par rapport à lui même, de garder un espace et un temps de parole.

Partage de pratiques pédagogiques innovantes pour le raccrochage scolaire

Table ronde animée par Madame Soubaï, directrice du CIO de Nanterre :

  • Espace CESAME – EDI (Espace dynamique d’insertion) – Eragny (95) : Monsieur Brugial, Directeur
  • Plate-forme de suivi et d’appui au décrochage (PSAD) du bassin de Mantes (78) : Madame Kling, Directrice du CIO de Mantes-la-Jolie